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10/06/2014

Brésil : le système Rousseff... et le sport-spectacle

brésil,coupe du monde

La police contre les sans-toit, sur fond de Coupe (et de déclarations de Platini odieuses envers le mouvement social brésilien) :

 


A quelques jours de l'ouverture du Mondial, les grèves se multiplient au Brésil et la police grenade les manifestants. Les évêques se solidarisent avec ceux-ci et publient (notre note d'hier) un document très sévère envers le bilan économique et social du régime de Dilma Rousseff. Les médias parisiens – dont Mme Rousseff était l'idole, et qui préféreraient ne parler que de la Coupe – déclarent que ces troubles sont le signe d'une ''démocratie vivante et turbulente''... Mais quand les ''turbulences'' sont des affrontements entre la révolte et la police, c'est que la démocratie n'est pas très ''vivante''.

Le bilan social du régime Rousseff qui indigne les évêques, quel est-il ? La gabegie et l'injustice : dont une méga-crise du logement, due à la dérégulation totale des loyers et à leur flambée (+144 % à Rio en six ans), ainsi qu'à la dérobade du BTP devant la construction de logements bon marché... Résultat : sept millions de Brésiliens sans toit ou mal logés, et les manifestations de la semaine dernière à São Paulo. Mais il y a aussi la grève des professeurs, celle des employés du métro, etc, auxquelles les pouvoirs publics répondent à coups de lacrymogènes. Consternés, les observateurs de l'hémisphère nord découvrent la réalité du ''miracle Lula'' : les quarante millions de Brésiliens ''sortis de la pauvreté'' ne le sont pas vraiment, et réagissent par la colère au ralentissement d'un modèle économique caricaturalement consumériste ; ''les trois sphères de l'Etat brésilien (gouvernement fédéral, Etats fédérés, mairies) se montrent incapables de répondre aux préoccupations des gens'', constatent les politologues.

Dans ces conditions, interrogent les journaux brésiliens, ''était-ce vraiment le moment d'organiser un Mondial quand des millions de Brésiliens manquent de tout ? ''

Les gaspillages financiers pour la Coupe constituent un problème moral : 8,5 milliards d'euros, plus les cadeaux fiscaux aux entreprises et les prêts à taux bonifiés des banques publiques – la FIFA n'ayant pas tenu ses promesses de financements privés. Et les évaporations d'argent public semblent avoir dépassé de loin celles des JO de Sotchi... C'est un ''malaise de civilisation'', écrit le quotidien O Estado de São Paulo. Mme Rousseff riposte en accusant les journaux de mensonge. C'est pourtant elle qui a surenchéri sur les exigences (déjà somptuaires) de la FIFA en faisant dépenser trop d'argent pour trop de nouveaux stades surdimensionnés, alors que le social, les hôpitaux et les transports en commun manquaient d'investissements.

Quant à la Coupe en elle-même, les scandales propres à la FIFA (Qatar : notre note du 7/06) achèvent de la déconsidérer. Cet opium du peuple fait-il encore planer grand'monde ? L'envoyé spécial de Libération à Rio est pris à partie par un habitant de la favela Rocinha : ''Dites à Platini d'aller se faire foutre !'' Le notable français du foot – actuellement dans les ennuis à propos du Qatar – s'était en effet permis de tancer avec arrogance les protestataires brésiliens  : ''Faites un effort, calmez-vous !'' Ajoutant : ''il faut dire aux Brésiliens qu'ils ont la Coupe du monde et qu'ils sont là pour montrer la beauté de leur pays et leur passion pour le football. S'ils peuvent attendre au moins un mois avant de faire des éclats sociaux ça serait bien pour le Brésil et l'ensemble de la planète football.'' C'était traiter le Brésil et les Brésiliens comme un Disneyland du foot-showbiz : et c'est bien la vision du monde qui règne à la FIFA, l'époque ayant les temples qu'elle mérite. La presse révèle que la FIFA a forcé Mme Rousseff à faire modifier la loi brésilienne dans l'intérêt de marques commerciales, par exemple en abolissant l'interdiction de vendre de l'alcool dans les stades : cette exigence étant ''non négociable'' [*], avait averti le vice-président de la FIFA.

Du coup, les pauvres du Brésil rompent avec le foot-FIFA et son corps de ballet : ''Ces gens-là n'ont rien à voir avec nous, ils gagnent des millions alors qu'on a à peine de quoi manger'', déclare un autre habitant de la Rocinha. Dans la favela Santo Cristo de Rio, le 8 juin, les anti-Coupe ont organisé un match de foot populaire : ''Le vrai foot brésilien, celui qui est populaire, celui qui se rapproche de l'art, c'est celui qui se joue dans les favelas, pas celui de la Coupe du monde, pas celui des grandes marques, pas celui de Visa, pas celui de Coca. Leur foot à eux, ce n'est que du business.''

 

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[*] Curieuse prédilection pour le terme ''non négociable'', de la part de libéraux pour qui justement tout doit être négociable. (C'est la base même du libéralisme).

 

Commentaires

FOOTBALL

> Tout va bien. La reprise est de retour car les Français ont été conquis par le pari en ligne (merci Bruxelles qui nous l'a imposé).
http://www.lefigaro.fr/le-scan-sport/medias/2014/06/10/27005-20140610ARTFIG00184-les-francais-utiliseront-deux-ecrans-pour-suivre-la-coupe-du-monde.php
Et en plus, les animaux oracles vont les aider à gagner. Les mêmes qui critiquent la religion n'y voient pas d'inconvénient. Ou pire, les chrétiens qui s'en félicitent.
http://www.lefigaro.fr/le-scan-sport/buzz/2014/06/04/27002-20140604ARTFIG00046-mondial-2014-apres-paul-le-poulpe-en-2010-place-aux-pandas-devins.php

Par respect pour les brésiliens, je ne suivrai pas le mondial et tant pis si la France gagne et que ça remonte la cote de F. Hollande à son sommet.

Cela dit, je garde de l'estime pour le foot comme pratique culturelle. Ce n'est pas pour rien si Jean-Paul II le pratiquait tout en étant fan de Liverpool; et si François paye toujours un abonnement dans la tribune de San Lorenzo à Buenos Aires. Contrairement à ce que certains disent,le foot n'est pas le corollaire du capitalisme. Il est facteur de lien social mais il est dépassé par Mammon.

Une petite pensée pour les joueurs qui ne demandent rien d'autre que jouer et qui subissent des menaces parce que le pari en ligne a mis des sommes importantes en jeu à leurs dépens.
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Écrit par : Cyril B / | 10/06/2014

PLATINI ET LE FAVELADO

> En 1998, juste avant que ne commence "notre" coupe du monde légendaire, les pilotes d'Air France avaient entamé une grève face à leur direction. De façon inédite, la quasi-totalité du spectre politique français s'était dressée d'un seul bloc pour la fustiger, le gouvernement Jospin se déclarant ouvertement prêt à une intervention musclée. Platini avait gueulé à "la prise d'otages", et il semble me souvenir qu'il avait qualifié la grève (ou les grévistes) de "minable".
Je dois avouer pour ma part que j'étais bien d'accord avec lui à ce moment-là. Mais n'étaient alors en jeu que les intérêts purement corporatistes (peut-être effectivement lésés par la direction d'AF) d'un personnel pas exactement dans la précarité, qui n'a d'ailleurs pas tardé à baisser pavillon.

Quand aujourd'hui des Brésiliens protestent contre une coupe du monde à domicile, c'est qu'il y a *vraiment* un problème - la religion du ballon rond n'étant pas moindre chez les Brésiliens pauvres, bien au contraire !
Ce problème, comme vous l'avez montré, c'est essentiellement la mafia de la FIFA, qui comme celle du CIO, impose à des États souverains des lois d'exception pour lesquelles le droit de la marque déposée prime sur celui du citoyen. Sur ce coup-là, Platini a perdu une occasion de se taire, et c'est bien volontiers que je lui relaierais le message du favelado.
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Écrit par : Albert Christophe / | 11/06/2014

TOUT VA BIEN

> Eh oui, comme vous dites Cyril, tout va bien. Heureusement, les Brésiliens ne seront pas seuls à souffrir. Les touristes de retour du Brésil ramèneront la dengue dans leurs bagages et ceux de retour des Antilles le chikunguya (des dizaines de milliers de nouveaux cas chaque semaine actuellement au sortir de la saison sèche, mais chut, il ne faut pas obérer la saison touristique).
Tout va même très bien donc : les dépenses de santé des voyageurs et des sédentaires contaminés par les dits voyageurs vont doper la croissance et rendre le sourire même à ces Français jamais contents, tous les économistes vous le diront.
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Écrit par : Barbara / | 11/06/2014

Détails sur la "Lei geral da Copa"

> http://www.europe1.fr/International/Cette-loi-Fifa-qui-ligote-le-Bresil-2148087/#
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Écrit par : Pierre Huet / | 11/06/2014

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